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Lettre d’Irmeyahou ­ Lettre de Jérémie


Liminaire pour la lettre d’Irmeyahou

     Plutôt qu’une lettre, ce petit écrit est une homélie ou harangue dirigée contre le culte des idoles. Il se divise en dix strophes en forme de stances qui toutes se terminent par des variations sur le thème: « Ce ne sont pas des Elohîms. » Pseudépigraphe typique, c’est une sorte de compilation qui reprend, sous forme de citations ou de paraphrases, certains textes classiques de la Bible hébraïque, tirés en particulier d’Isaïe 44 et 46, de Jérémie 10, des Psaumes 115 et 135.

     L’auteur ne saurait être Irmeyahou (Jérémie). On peut supposer que l’original hébreu, aujourd’hui perdu, datait de la fin du IVe siècle, et que sa traduction grecque est du début du IIe.

     Le texte reflète assez bien la mentalité des Hébreux de Babylonie à l’époque du Second Temple. Il a pu cependant être rédigé à leur usage par un auteur résidant en Israël.


Chapitre 1.

Copie de la Lettre envoyée par Irmeyahou
à ceux qui allaient être emmenés captifs à Babèl par le roi de Babèl,
pour leur faire savoir ce que lui avait ordonné Elohîms.

Ils ne sont pas des Elohîms

1.     À cause des fautes que vous avez commises en face d’Elohîms,
vous allez être emmenés captifs à Babèl
aux mains de Neboukhadrèsar, roi de Babèl.
2.     Quand vous serez arrivés à Babèl, vous y serez de nombreuses années,
pour longtemps, jusqu’à sept générations.
Après quoi, je vous ferai sortir de là en paix.
3.     Maintenant, vous verrez à Babèl
des Elohîms d’argent, d’or, de bois portés à l’épaule
et qui inspirent le frémissement aux nations.
4.     Prenez garde à ne pas ressembler, vous aussi, aux étrangers
et que ne tombe sur vous leur frémissement,
5.     en voyant, en face d’eux et derrière eux, la foule se prosterner.
Dites plutôt en votre coeur:
« Pour toi, Adôn, il convient de se prosterner. »
6.     Oui, mon messager est avec vous et il scrute vos êtres.
7.     Car leur langue est poncée par la main d’un artisan,
ils sont plaqués d’or et d’argent, eux, un mensonge: ils ne peuvent parler !
8.     Comme pour une vierge qui aime les parures, ils prennent de l’or
et fabriquent des couronnes pour la tête de leurs Elohîms.
9.     Parfois des desservants volent l’or et l’argent de leurs Elohîms
et le prennent pour eux
et même le donnent aux putains qui sont sur le toit.
10.     Les Elohîms d’argent, d’or et de bois,
ils les parent de vêtements comme des humains
mais ils ne sont pas protégés contre la rouille et les vers.
11.     Quand ils ont sur eux l’habit de pourpre,
leurs faces sont lavées avec de la poussière de la maison,
abondante sur eux.
12.     Il a un sceptre comme un juge de la terre
mais il ne fait pas mourir celui qui l’offense.
13.     Il porte l’épée et la hache en sa droite,
mais ils ne se sauveront pas, dans une guerre ou devant des brigands.
14.     En cela se reconnaît qu’ils ne sont pas des Elohîms,
aussi ne frémissez pas d’eux.
15.     Comme un vase dont un homme se sert
et qui devient inutile une fois brisé,
tels sont leurs Elohîms qu’ils érigent dans leurs maisons.
16.     Leurs yeux sont pleins de la poussière des pieds de ceux qui entrent.
17.     Comme celui qui a fauté contre le roi
est incarcéré dans des maisons fermées pour être conduit à la mort,
ainsi les desservants ferment leurs maisons
avec des portails, des serrures, des verrous,
de peur qu’elles ne soient razziées par des bandits.
18.     Ils allument des lampes plus nombreuses que pour eux,
eux qui n’en peuvent voir une seule.
19.     Eux, ils sont comme les poutres d’une maison
dont il est dit que le coeur est rongé par la vermine qui sort de la terre,
elle les mange avec leurs habits, mais ils ne le sentent pas.
20.     Leurs faces sont noircies par la fumée qui sort de la maison.
21.     Autour de leurs corps et de leurs têtes rôdent
des chauve-souris, des hirondelles, des oiseaux et même des chats.
22.     En cela vous saurez qu’ils ne sont pas des Elohîms: ne frémissez pas d’eux.
23.     L’or, mis sur eux pour les embellir,
ne brille pas s’il n’est pas nettoyé de sa ternissure,
mais même quand il était fondu, ils ne ressentaient rien.
24.     Eux, qui n’ont pas en eux-mêmes de souffle,
sont achetés à n’importe quel prix.
25.     Étant sans pieds, ils sont portés sur les épaules,
et exhibent leurs turpitudes devant les hommes,
même leurs serviteurs en blêmissent.
S’ils tombent à terre, ils ne se relèvent pas seuls.
26.     Si un homme les redresse, ils ne se meuvent pas d’eux-mêmes
et s’ils se penchent, ils ne se redressent pas:
oui, comme en face des morts, des offrandes sont déposées en face d’eux.
27.     Les desservants qui présentent leurs présents en profitent,
leurs femmes mêmes en salent une partie
et n’en donnent rien aux miséreux ni aux pauvres.
Leurs sacrifices, des femmes en menstrues et des accouchées les touchent.
28.     Sachant donc tout cela, non, ce ne sont pas des Elohîms,
n’en frémissez pas.
29.     Comment les appeler Elohîms ?
Des femmes offrent les offrandes à ces Elohîms d’argent, d’or, de bois.
30.     Les desservants siègent dans leurs maisons,
leurs vêtements sont déchirés,
leurs cheveux et leur barbe rasés, la tête nue.
31.     Ils rugissent et hurlent en face de leurs Elohîms,
comme dans des festins funèbres.
32.     Ces desservants prennent les vêtements des Elohîms
pour en vêtir leurs femmes et leur marmaille.
33.     Si quelqu’un leur fait du mal ou du bien,
ils ne peuvent le payer en retour, ils ne peuvent faire ou défaire un roi;
34.     ils ne peuvent donner de la richesse ou du bronze;
si un homme voue un voeu et ne l’acquitte pas, ils ne le lui réclament pas.
35.     Ils ne sauvent personne de la mort
et ils ne secourent pas le faible en face du fort;
36.     ils ne transforment pas l’aveugle en clairvoyant;
ils ne sauvent pas un homme en détresse;
37.     ils n’ont guère de compassion pour la veuve,
ils ne font pas de bien à l’orphelin.
38.     Semblables aux pierres taillées de la montagne,
ce sont des morceaux de bois, plaqués d’or et d’argent:
leurs serviteurs blêmiront.
39.     Comment donc pensent-ils ou disent-ils que ce sont des Elohîms ?
40.     Les Kasdîm eux-mêmes les méprisent:
oui, quand ils voient un homme qui ne peut parler,
ils le font venir auprès d’Él et lui demandent de lui rendre la voix,
comme s’il pouvait sentir.
41.     Ils ne peuvent pas comprendre et les abandonner
parce qu’en eux ils n’ont pas de sensibilité.
42.     Les femmes, ceintes de cordes, sont assises dans les places
et brûlent, comme encens, du son.
43.     Quand l’une d’entre elles est racolée par un passant qui copule avec elle,
elle insulte sa voisine parce qu’elle n’a pas été demandée
et que sa corde n’a pas été rompue.
44.     Tout ce qui les concerne est mensonge.
Comment donc penser ou dire que ce sont des Elohîms ?
45.     Ils sont fabriqués par les mains de menuisiers et d’orfèvres
et ne sont rien d’autre
que ce que ces ouvriers voulaient qu’ils deviennent.
46.     Leurs fabricants eux-mêmes ne prolongent pas leurs jours.
Comment peuvent-ils être des Elohîms,
ceux qui sont l’oeuvre de leurs mains ?
47.     Ils ne laissent à ceux qui viennent après eux que mensonge et déshonneur.
48.     Quand une guerre ou des malheurs surviennent sur eux,
les desservants délibèrent entre eux pour décider où se cacher avec eux.
49.     Comment donc ne pas discerner qu’ils ne sont pas des Elohîms,
eux qui ne peuvent se sauver eux-mêmes de la guerre ou des malheurs ?
50.     Après tout cela, il sera reconnu qu’étant faits
de bois plaqué d’or et d’argent
ils ne sont que mensonge.
Toutes les nations et les rois découvriront qu’ils ne sont pas des Elohîms,
mais l’oeuvre de mains d’hommes,
et qu’ils n’ont aucun des actes de l’Elohîms.
51.     Qui donc ne comprendra que ce ne sont pas des Elohîms ?

52.     Ils ne s’emparent pas de roi dans un pays,
ils ne donnent pas de pluie aux humains,
53.     ils ne jugent pas leurs procès, ils ne secourent pas un opprimé
parce qu’ils ne le peuvent pas;
ils sont comme des corbeaux entre ciels et terre.
54.     Quand le feu tombera
sur la maison des Elohîms de bois plaqués d’or et d’argent,
leurs desservants s’enfuiront et se sauveront eux-mêmes,
mais eux brûleront comme des poutres médianes.
55.     Ils ne résistent pas en face d’un roi ou d’ennemis.
56.     Comment donc penser ou croire que ce sont des Elohîms ?
57.     Ils ne peuvent échapper aux voleurs ni aux brigands,
ces Elohîms de bois plaqués d’or et d’argent.
Les plus violents d’entre eux prennent l’or, l’argent,
les vêtements qui les recouvrent et s’en vont,
car ces Elohîms sont impuissants à s’aider eux-mêmes.
58.     Ainsi mieux vaut être un roi qui manifeste sa puissance
ou un vase dont le propriétaire peut se servir dans une maison
que d’être des Elohîms de mensonge;
ou même être une porte de maison qui protège ce qui est à l’intérieur,
que d’être des Elohîms de mensonge;
ou être une colonne de bois dans les palais royaux
que d’être des Elohîms de mensonge.
59.     Oui, le soleil, la lune, les étoiles resplendissent,
envoyés pour remplir leur fonction, ils se situent dans l’obéissance.
60.     Ainsi l’éclair, quand il apparaît, est éblouissant,
ainsi le vent souffle en toute contrée.
61.     Les nuages, quand Elohîms leur prescrit de passer sur l’univers entier,
obéissent à l’ordre;
le feu envoyé d’en haut pour dévorer monts et forêts obéit à l’ordre.
62.     Ils ne leur ressemblent ni par leur aspect ni par leur puissance.
63.     Aussi, il ne faut pas penser ni proclamer que ce sont des Elohîms,
parce qu’ils ne peuvent pas juger ni faire du bien aux humains.
64.     Et sachant donc qu’ils ne sont pas des Elohîms, ne frémissez pas d’eux.

65.     Ils ne peuvent ni maudire ni bénir les rois.
66.     Ils ne font pas voir des signes pour les nations dans le ciel,
ils ne resplendissent pas comme le soleil,
ils ne brillent pas comme la lune.
67.     Les bêtes valent mieux,
qui peuvent du moins s’enfuir vers un abri et être utiles à elles-mêmes.
68.     Il est donc clair pour nous que ce ne sont d’aucune manière des Elohîms:
ne frémissez pas d’eux.

69.     Comme un épouvantail qui, dans une melonnière, ne garde rien,
tels sont leurs Elohîms, de bois plaqués d’or et d’argent.
70.     Comme dans un jardin un lyciet où tous les oiseaux se posent,
ou comme un mort jeté dans les ténèbres,
tels sont leurs Elohîms, de bois plaqués d’or et d’argent.
71.     Par la pourpre et l’écarlate qui pourrissent sur eux,
sachez que ce ne sont pas des Elohîms.
À la fin, ils seront dévorés et seront en outrage dans le pays.
72.     Mieux vaut donc un homme juste sans idoles:
oui, il sera à l’abri de l’outrage.